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vendredi 8 août 2008

Docteur Jerry et Mr Love

Jerry Lewis - Docteur Jerry et Mr Love 1963

Bien qu'il soit professeur d'université et un cador dans sa spécialité, la physique-chimie, Julius Kelp n'est pas franchement du genre à en imposer aux autres. En effet, complexé par un physique qu'on ne souhaiterait pas à son pire ennemi, le bonhomme n'est en public que l'ombre du savant qu'il est, et même pire, l'ombre de cette ombre lorsqu'il affronte ses élèves, le physique de culturistes de ceux-ci, en exact contraire du sien, lui rappelant sans cesse et de manière, on ne peut plus cruelle, que Mère Nature devait être sacrément dans un jour « sans » le jour de sa naissance.




Assise aux premiers rangs de sa classe assiste au désastreux spectacle de celui qui l'assure bien malré lui, Stella Purdy, une belle blonde qui, touchée par tant de malheurs, finit par suggérer à celui qui semble être né pour eux, la lecture pour son bien d'un magazine d'exercices sportifs, prouvant ainsi que si elle n'est guère différente de ses copains-copines de promotion qui pensent qu'à leur âge le physique prévaut sur la physique, elle se place néanmoins au dessus de leur médiocrité. Touché à son tour par la démarche de la jeune fille parce qu'il confond amour et compassion, Kelp tente alors de corriger sa longiligne silhouette à l'aide d'haltères mais rapidement la gymnastique va l'épuiser. N'ayant alors d'autre recours pour séduire la belle étudiante que sa sacro-sainte chimie, c'est bien entendu vers elle qu'il se tourne et c'est de ses chères cornues que va naître la potion miracle qui va faire de lui, Buddy Love, le tombeur de ces dames.
Bien qu'inspiré par le personnage de Stevenson, le bon Docteur Jerry, qui va devenir au cours de ce film que Jerry Lewis tournait en 1963, le vilain Mister Love, n'embarrasse pas pour autant son spectateur avec le difficile discours sur la bipolarité de l'âme humaine, sur le monstre que l'on cache tous dans un recoin de notre cerveau que décrivait le roman.

Non, mettant en scène les deux versants de ce que Jerry était au spectacle, puisqu'il interprète ici aux côtés de la mignonne Stella Stevens, à la fois le séducteur gominé distributeur de guimauves qu'est Buddy et le benêt de service, ce bon vieux doc' dont tout le monde se moque, le film est bien plus simple!. Bien plus simple en effet parce qu'ici, Lewis n'a pas fait de mystère avec la métamorphose de son héros, dit clairement que Julius l'ose dans l'unique but de s'attirer les faveurs de Stella. Du coup, on comprend de suite ce qu'il en est, qu'à travers elle, le cinéaste nous posait la question suivante : qu'est-on prêt à faire pour séduire ?

Bien plus simple encore, puisque Jerry, après avoir posé la question y répondait d'une manière on ne peut plus nette en lâchant un « tout » catégorique, la preuve par neuf passant ici une fois de plus par Kelp puisqu'il ingurgite, pour parvenir à ses fins, une potion de sa composition dont il ne connaît aucun des effets sur sa santé. Autrement dit, pour embobiner la belle, le gars était prêt à y laisser sa peau.

Bien entendu, Lewis va dénoncer l'attitude de son héros, et à travers la sienne la nôtre, puisque nous avons tous en nous une part du vilain Buddy - si, si -, et s'il le fait plutôt bien tout au long de son film en rendant ce dernier parfaitement ridicule dans ses tentatives de séduction entreprises à la hussarde qui, soit dit en passant, semblent ne pas déplaire à Stella, et Kelp particulièrement attachant à n'être, hélas, que ce qu'il est, force est de constater que cette scène où le premier retrouve graduellement la voix chevrotante du second et commence alors un long mea culpa public, aveu dont il nous faudra simplement retenir, puisqu'il le dit lui-même, qu'il ne faut pas paraître mais être soi-même, est non seulement déplaisante par son côté moralisateur mais aussi par sa superfluité, tout le discours ayant été compris bien avant qu'elle n'arrive. Pour un peu, on se croirait chez l'agaçant Chaplin lorsque celui-ci se faisait, en pure perte du reste, éveilleur de consciences.

Bien plus simple, disais-je, mais aussi bien plus drôle, Jerry Lewis agissant ici en véritable maître-artificier comique. En effet, tout au long de son film, les gags foisonnent et fusent telles les fusées d'un quatorze juillet, et si parmi ces feux de Bengale, il en existait un, ne serait-ce même que la moitié d'un, qui soit boulet rouge tiré à l'encontre des Dean Martin et autres Frank Sinatra, marchands de rêves pour leur propre compte, il serait cerise sur le gâteau.

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